The Legend of Zelda: The Minish Cap

Pierre d’Hyrule n’amasse pas mousse

Développeur : Capcom, Flagship

Éditeur : Nintendo

Genre : Action-aventure

Plateforme : Game Boy Advance, Nintendo 3DS, Wii U

Sortie : 2004

Synopsis

La porte vers le monde des Minishs ne s’ouvre que tous les 100 ans. Lors de la fête qui précède l’ouverture de la porte, Vaati lance un sort à la princesse Zelda qui la transforme en statue de pierre. Durant ces événements, Link, l’ami d’enfance de la princesse est présent et décide de tout faire pour sauver Zelda. Plus tard, Link rencontre Exelo un chapeau qui doit sa forme à Vaati, son apprenti, qui lui a dérobé un chapeau qui exauce les vœux de son porteur, et qui décide d’aider Link dans sa quête.

Critique

Les épisodes de la saga The Legend of Zelda créés pour les consoles portables n’ont pas à rougir devant leurs aînés sur celles de salon. Totalement adaptés à leur support, ils n’ont jamais fait figure de pis-aller destinés à un public ne pouvant se procurer des produits plus coûteux et moins nomades. Après l’inoubliable Link’s Awakening (Game Boy et portée sur Color en version DX) et les deux très honorables Oracle of Ages & Seasons (Game Boy Color), l’arrivée d’une nouvelle console de poche chez Nintendo, c’est l’assurance ou presque d’un nouvel épisode inédit de la série, dont le public attend autant ou presque que les sorties sur machines de salon. La Game Cube a accueilli le controversé Wind Waker, avec sa direction artistique bien particulière, la Game Boy Advance a elle eu l’honneur de deux titres : Four Swords en 2003 (pour la version européenne), puis The Minish Cap, qui nous intéresse ici, fin 2004, alors même que la firme japonaise s’apprêtait à lancer sa nouvelle génération de poche, la DS.

Postérieur à Four Swords dans sa parution, il lui est pourtant antérieur dans la chronologie narrative. Et je l’affirme sans faire partie des joueurs qui tentent de retracer une intrigue linéaire à travers les différents opus de la saga. Non, là, on retrouve les mêmes personnages, à commencer – outre Link – par Vaati, grand méchant rencontré dans Four Swords. La filiation est assumée, The Minish Cap permet de jouer ce qui faisait figure de légende dans l’épisode précédent, narrant une opposition antérieure entre Link et son antagoniste. Le titre de 2004, à l’inverse de celui de 2002, est un jeu purement solo, qui au-delà de la relation scénaristique, présente mécaniquement la division en quatre Link, que deux à quatre joueurs ont contrôlé quelques années plus tôt. Le parallèle prequel scénaristique/prequel mécanique est assez original dans une série qui ne semble jamais s’être souciée à ce point de créer une linéarité narrative entre ses épisodes. Ce qui est moins audacieux, c’est par contre le scénario de The Minish Cap, qui conserve la structure archétypale propre à la saga (même si certains comme Link’s Awakening ont su s’en détacher) : il faut sauver la princesse Zelda. Notre héros, jeune apprenti visiblement pas tout à fait insensible aux charmes de l‘héritière, assiste à sa pétrification par le sorcier Vaati et va traverser Hyrule pour la guérir et empêcher son monde de tomber sous la coupe de ce malveillant antagoniste. Pour cela, il pourra compter sur l’aide d’un peuple de légende que lui seul a pu rencontrer depuis des décennies, les Minishs du titre, êtres si petits qu’ils sont invisibles aux yeux des humains alors qu’ils vivent tout autour d’eux (et dans un village qui leur est propre, tout de même). C’est la rencontre d’Exelo, vague palmipède vert qui se scotche au crâne de Link – créant ainsi son fameux bonnet vert qui a ici une origine particulière – et qui aura un rôle non négligeable dans l’intrigue, qui va permettre à Link de rétrécir au contact de certains éléments de l’environnement, et de communiquer avec le peuple Minish.

La carte du monde, qui compartiment les différentes zones de manière claire mais pas magnifique.

Minish et Vortex !

Quête simpliste donc, mais j’ai utilisé le terme archétype plus haut et Zelda s’est souvent limité à cela, des thèmes universels – devenir adulte, la sortie du confort, l’aide apportée par des adjuvants rencontrés en chemin… – et un schéma d’un fort classicisme, mais qui a souvent su faire mouche par son épure, et par le soin apporté par Nintendo à la forme dans laquelle se déroule cette aventure. Celle-ci se déroule au sein d’Hyrule, présentée assez inélégamment à l’écran par une carte qui, en lien avec le cœur du jeu, joue avec les échelles. Elle présente un nombre assez limité de zone, donnant l’impression d’un monde assez compact, mais chacun de ces ensembles renferme son propre plan, le tout est donc assez grand et varié pour assurer une exploration dense, en dépit des difficultés de repérage et d’une impression de petitesse qu’implique cette double échelle. Comme dans l’écrasante majorité des épisodes, on va devoir traverser des donjons, vaincre des boss, acquérir de nouveaux objets – bracelet, arc, bottes… – dont certains inédits apportent un peu de fraîcheur au gameplay (des griffes, un truc qui ressemble à un aspirateur et une canne faisant retourner certains éléments), afin de parvenir à vaincre Vaati et réveiller Zelda. Les nouveaux objets utilisables sont amenés progressivement et leur maîtrise s’acquiert sans douleur, avec fréquemment leur utilisation contre le boss de fin de donjon et dans la résolution d’énigmes, alors qu’on a appris à bien s’en servir. Dommage que plusieurs de ces outils soient délaissés par la suite, en faisant des gadgets éphémères là où d’autres opus de la saga savaient nous rappeler qu’on les possédaient justement quand on pensait n’en avoir plus besoin. Si l’on repasse bien plusieurs fois aux mêmes endroits dans The Minish Cap, il n’y a que peu cet aspect metroidvania avec des lieux qu’on pensait inaccessibles et qui se révèlent par l’acquisition de nouvelles compétences, qui seraient alors réutilisées hors de leur espace d’acquisition. Au fond, on en utilise quelques-unes de manières très régulières, les autres sont plus là pour un moment précis et de manière artificielle, comme pour respecter les canons de la série plus que comme instrument de game design.

Votre visite dans le village Minish, où tout semble plus grand.

Heureux Capcom du lisse

Du côté des nouveautés marquantes, on a la division possible de Link pour déplacer des objets plus lourds ou frapper à différents endroits. Notre quête nous amènera à trouver les quatre éléments afin de reforger l’épée de légende, et à chaque retour au château on pourra se diviser en un Link supplémentaire (jusqu’à quatre), tout cela faisant encore une fois écho au cœur de gameplay de Four Swords, l’opus précédent. Cette option est employée à la fois dans la résolution de puzzles et dans les combats, sans que son utilisation ne soit envahissante ou surexploitée. L’autre mécanique marquante est celle du changement de taille, qui intervient assez tôt dans l’aventure, et est possible à certains endroits uniquement, élargissant ainsi l’exploration et donnant un autre regard à des endroits parcours à taille humaine, tout en continuant le jeu sur les échelles dont j’ai parlé par rapport à la présentation de la carte. Devenir de la taille d’un Minish, c’est découvrir de nouvelles zones, accéder à des lieux interdits, mais aussi faire face à de nouveaux obstacles que l’on ne soupçonnait pas quand l’on était encore grand. Là aussi, cet élément de design sait se faire discret et ne pas s’imposer pour bien montrer qu’il existe, mais pour le coup un peu plus de son utilisation et surtout une variation autour de celle-ci n’aurait pas été de trop. Car malgré une progression réussie et assez rythmée propre à la saga (cet épisode n’a pas à la faire rougir), il y a malheureusement assez peu d’idées ou de moments mémorables dans The Minish Cap. N’avoir comme objectifs principaux que les quatre éléments force le jeu à combler par les passages de transition. Les donjons, tous comme les ennemis (standard ou boss) ne laissent que peu de souvenirs, et ceux-ci sont liés justement aux deux mécaniques précités, quand elles sont bien utilisées et restent en tête bien après la partie. La bande-son, bien que de qualité (le thème principal, celui du château…), n’est pas aussi marquante que celle d’autres opus. The Minish Cap a pourtant d’autres bonnes idées pour enrichir son expérience, comme les figurines à collectionner ou surtout les « fragments de bonheur », obtenus de diverses manières et à assemblant en rencontrant et discutant avec les PNJ, faisant apparaître des éléments variés sur la carte et poussant ainsi le joueur à revenir où il est déjà passé. C’est malheureusement loin d’être suffisant pour cacher un level design et une progression qui est loin d’être la meilleure de la saga, malgré les promesses que pouvaient laisser espérer ces nouvelles mécaniques.

The Minish Cap est un bon épisode de la saga Zelda. Prometteur par son jeu sur les échelles et réutilisant des éléments connus de la série, l’assemblage ne fonctionne malheureusement pas entièrement, la faute à un rythme pas forcément maîtrisé qui laisse passer des moments de lassitude et n’utilise pas au mieux tous les outils en sa possession. Un scénario aussi banal que celui de The Minish Cap n’a jamais été un problème si le game design permettait de le transcender et d’en révéler la finesse, aidé en cela par une écriture réussie et une ambiance travaillée. Celle-ci, malgré une bande originale qui n’est pas la meilleure qui ait été composée pour un Zelda, est là, avec ses visuels 2D chatoyants et une forme d’humour dans la lignée de ses grands frères. Mais les souvenirs marquants, eux, manquent au joueur pour lui donner envie d’y revenir ou de prolonger l’expérience en explorant Hyrule pour le plaisir et les quêtes secondaires, pourtant malines. Un jeu agréable sur le moment, regorgeant d’idées tout en assumant son héritage, mais ne les exploitant pas avec assez de génie et manquant de passages et de niveaux mémorables pour en faire un incontournable de la série. Peut-être est-ce une des conséquences du développement qui a été assuré par Capcom et non en interne, permettant moins d’initiatives qui peuvent mener à un jeu plus marquant. The Minish Cap est simple et direct, mais prouve s’il en était besoin la difficulté de réussir à apporter de la subtilité et une certaine richesse à la naïveté pour la rendre intemporelle.

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