Locke & Key – Tome 1 : Bienvenue à Lovecraft

The Black Keys

Scénariste : Joe Hill

Illustrateur : Gabriel Rodriguez

Éditeur : Milady Graphics

Genre : Horreur

Nombre de pages : 168

Sortie française : 2013

Synopsis

Keyhouse : un étrange manoir de la Nouvelle-Angleterre. Un manoir hanté, dont les portes peuvent transformer ceux qui osent les franchir…
Après le meurtre brutal de leur père, Tyler, Bode et Kinsey découvrent leur nouvelle demeure, croyant y trouver le refuge dont ils ont besoin pour panser leurs plaies. Mais une ténébreuse créature les y attend pour ouvrir la plus terrifiante de toutes les portes…

Critique

Lovecraft. Boum ! Paye ta référence. Et dans le titre en plus. Pas peur, les mecs.

Paf, une porte pleine page, pour commencer le chapitre un. Une serrure, déjà, histoire de reprendre déjà le titre, ou presque.. Alors quoi, derrière cette porte ? Des Grands Anciens ? Des Montagnes Hallucinées ? De la perte de Santé Mentale ? Et bien non, rien de tout ça. De Lovecraft, ce premier tome n’a que le nom, car on n’y retrouve jamais l’atmosphère poisseuse et spiritualiste qui imprègne les romans du maître. La misanthropie pourrait être vaguement présent, mais dans une veine très différente et qui n’a pas grand chose à voir avec l’approche matérialiste et philosophique de H. P. Lovecraft.

L’influence que l’on ressent bien plus dans l’écriture, c’est celle du papa de Joe Hill. A savoir Stephen King, rien que ça. Là oui, on est dans de l’horreur bien plus concrète et bien moins dérangeante et spirituelle, plus accessible, celle qui ne vous retourne pas la tête. Mais une horreur néanmoins efficace et qui arrive à distiller son atmosphère un peu pesante, avec des questions historiques, un peu de fantastique qui n’est pas si loin du réel non plus. Locke & Key, en tout cas ce premier tome, c’est un drame familial, avec ses personnalités proches, mais en opposition, qui visent chacune à s’affirmer et à être caractérisée pour gagner une identité, tout en restant rattachée à l’ensemble « famille », qui le distingue du monde extérieur à ce microcosme. Finalement, ces personnages principaux sont peut-être ceux qui sont les plus convenus, et les secondaires, brossés avec moins de précision, se révèlent les plus intéressants pour le lecteur. Dodge intrigue, même si son design laisse un peu rêveur, mais surtout le dérangé Sam offre un potentiel délirant infini que l’auteur sait exploiter.

Key bored ?

On est dans un monde où chacun, à sa façon, représente cette catégorie que sont les « freaks ». L’ambiance est partout un peu malsaine, chacun a ses secrets, ses doutes, le poids du monde sur ses épaules… Quelque chose finalement d’assez convenu, comme chez King, de très accessible sous couvert de proposition originale dans l’univers des comics (encore une fois, rien qui ne soit aussi grand que ce qu’a fait Lovecraft !!!). L’écriture, l’intrigue est somme toute très littéraire, ce qui étonne assez peu quand on sait le passif d’écrivain de Joe Hill. Le découpage, qui vogue entre présent, passés, hallucinations, est plutôt réussi et sert le récit sans perdre le lecteur. On se trouve face à un scénario assez plaisant, dans lequel on rentre facilement, qui marque assez peu, mais qui suffit pour donner envie de lire la suite, pour l’histoire seulement. Ce qui est, quelque part, un peu dommage pour le média bande dessinée. Le lien étroit entre scénario et illustration, l’échange entre les deux qui caractérise cet art n’est que peu présent, et on aplus l’impression d’une nouvelle illustrée que d’une BD avec les traits propres au média.

Dommage pour Gabriel Rodriguez. Son dessin ne s’impose pas comme incontournable ni particulièrement innovant, il éloigne un potentiel plus sombre avec un trait somme toute très clair. on s’y habitue, mais on a surtout le sentiment qu’il n’est que peu l’auteur de cette bande dessinée, qu’il est plus « illustrateur », sans que cela aille plus loin. On sent pourtant qu’il y aurait quelque chose à exploiter dans ce trait presque clinique, assez froid mais plein de détails, et avec de très bonnes idées, mais que ces possibilités ne sont que peu exploitées comme créatrices de narration. L’autre aspect qui manque cruellement et pourrait pourtant être le fruit de l’illustrateur, c’est une forme de second degré propre au genre. L’humour est totalement absent de ce premier tome, qui donne l’impression de se prendre très et trop au sérieux. La violence, très présente, l’est au premier degré, parfois avec réussite, souvent de manière gratuite et sans apporter quoi que ce soit.

Bienvenue à Lovecraft, outre le fait de passer à côté des promesses contenues dans son titre, est donc une lecture que l’on peut recommander aux fans du genre. On peine à concevoir comment elle a pu s’imposer comme elle l’a fait ces dernières années, on passe un bon moment à la lecture, sans que cela ne s’impose comme un classique que certains semblent présenter. L’idée de suite est évidente tant il y a à exploiter dans cette famille, et surtout dans ses personnages secondaires. Personnellement, je lirai la suite, plutôt sensible au potentiel offert par la série, mais il faudra aller plus loin pour me faire aller au bout. Surtout, il faudra que le dessin soit réelle part de la narration et pas un simple support au récit de Joe Hill.

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