Shadow of the Colossus

God Is Dead | And No One Cares

Développeur : SCE Japan Studio (Team ICO)

Éditeur : Sony Computer Entertainment

Genre : Action-aventure emplie de culpabilité

Plateforme : PlayStation 2, PlayStation 3, PlayStation 4

Sortie : 2005

Synopsis

Shadow of the Colossus est un jeu d’aventure empreint de poésie dans lequel vous incarnez un jeune héros, Wander, accompagné de son fidèle destrier Argo, à la recherche des 16 colosses peuplant le monde et renfermant un pouvoir mystique qu’il vous faut posséder pour réveiller l’être aimé. Parcourez un monde sans frontière pour poursuivre votre but et laissez-vous porter dans un univers onirique.

Critique

La puissance dégagée par l’expérience de Shadow of the Colossus est bien au-delà de la simple contemplation qui lui est parfois rattachée. Ce qui marque, en premier, est sa force iconoclaste, qui fait presque du jeu un vecteur d’idéologie ou de philosophie. Après tout, dans cette aventure, on tue des dieux, ou du moins leurs incarnations.

Le pourquoi de ces déicides est la seconde entrée qui rapproche Shadow of the Colossus des grandes œuvres classiques. On pense à Shakespeare, mais d’abord à Goethe et à son Faust. Par un contrat avec une force surnaturelle, Wander obtient non la connaissance universelle et la réponse à tous ses désirs, mais le réveil de sa belle, ce qui propulse le jeu au rang des histoires d’amour sacrificielles et universelles. La corruption, le pacte est accepté sans hésitation, tant le désir d’Amour dépasse le besoin de Vie.

Wander de rêve

L’esthétique de Shadow of the Colossus renforce ces aspects. On y ressent à la fois une grande solitude et un espace empli de liens, de relations plus ou moins palpables : celles avec Agro, l’ami-destrier, celles qui naissent entre héros et colosses, mais aussi entre colosses et environnement. La mise à mort de ces êtres est naturellement la cible d’une grande mise en scène qui n’est pas sans rappeler, par exemple, la mort des Ents dans le Seigneur des Anneaux. On peut y retrouver le conflit Homme-Nature, autre point d’entrée d’un jeu qui en contient décidément beaucoup, malgré sa simplicité apparente. L’utilisation du ralenti, du plan large qui perd le héros en mettant le colosse en valeur, de ces geysers de sang noir, le tout associé à cette musique tragique, tous ces éléments rendent le joueur un peu honteux, le font douter de la justice de sa quête. Mais dès le retour en vue de la belle endormie, la détermination est renforcée, le passage progressif du héros au pays des ombres reprend toute sa valeur et toute sa légitimité.

L’avoir dans le Colosse

Le « scénario » du jeu, qui se révèle vers la fin ou au dos de la boîte, est très accessoire et son manque ne se fait jamais ressentir. Le fond de cette histoire n’est pas narratif mais tient dans la relation entre Wander et Mono, personnages dont on ne se remémore jamais les noms, ce qui les place comme anonymes et leur donne une forme d’absolu, de figures archétypales et universelles. Il tient aussi dans ces assassinats de colosses, chacun étant à la fois un « boss » et un niveau à part entière. Le but reste le même à chaque adversaire (poignarder les runes, le point faible du colosse), mais le processus est propre à chacun de ces êtres, que l’on dérange dans leur tranquillité, leur rôle de gardiens d’un certain ordre. Eux ne viennent pas chercher querelle aux humains qui investissent leur territoire, et qui demeurent insignifiants face à leur univers. Insignifiants, mais capables de bouleverser l’ordre du monde et de renverser ce qui est établi, ce qui est à la fois une terrible dénonciation et une ode à l’Humanité.

S’il devait y avoir un petit bémol, en dehors d’une certaine répétitivité qui ne crée jamais l’ennui, ce serait quelque chose déjà constatée dans ICO (dont le jeu pourrait être à la fois une suite et un prequel), mais de manière moins gênante. C’est tout simplement dans le gameplay, les mouvements de caméra et le caractère un peu « haché » des dynamiques et des mouvements. Même si lors de l’attaque des colosses, cela peut exprimer une certaine autonomie de ceux-ci, ces petits riens entraînent une grande frustration. Cela n’ajoute nulle complexité réelle au jeu et amène des « échecs » qui ne sont pas dus à la difficulté mais juste à un souci de gameplay. Pas de « c’est la manette » un peu hypocrite ici, juste le constat de la création d’une frustration qui ôte une partie du plaisir et de l’immersion.

En dépit d’une caméra qui n’en fait qu’à sa tête – élément qui trouve un sens dans l’expérience de jeu – on se trouve en effet et, comme le laissait présager sa réputation, face à un jeu qui propose une forme de contemplation, mais qui se pose surtout en œuvre classique de par ses thèmes et leur angle de traitement, sans ostentation, mais au contraire avec une grande sensibilité.

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