For Honor

No Bullshit

Développeur : Ubisoft Montréal, Blue Byte (version PC)

Éditeur : Ubisoft

Genre : Action, Combat

Plateforme : PC, PlayStation 4, Xbox One

Sortie : 14 février 2017

Descriptif éditeur

For Honor est un jeu compétitif de combat au corps-à-corps en vue extérieure mêlant rapidité, stratégie et coopération et offrant des combats rapprochés intenses en multijoueur. Découvrez le chaos, la fureur et la brutalité du combat et tracez avec vos amis un sillage de dévastation dans le rôle d’impitoyables Vikings, de redoutables Chevaliers et d’impassibles Samouraïs.

L’innovant système Art of Battle (Art du combat) vous permet de ressentir la puissance de chaque coup, la force de chaque impact et le poids de l’arme dans votre main.

Critique

Los Angeles, 2015. Lors de la grand-messe du jeu vidéo qu’est l’E3, Ubisoft annonce une nouvelle licence développée dans les studios de Montréal.  Pour un éditeur habitué aux titres à suite (Far Cry, Assassin’s Creed) ou aux licences (Tom Clancy), c’est toujours intéressant de voir débarquer quelque chose de neuf, et de ce côté les canadiens ne sont pas les moins audacieux. Que le résultat soit ou non probant, on a vu arriver Watch_Dogs, The Division ou encore The Crew, sans oublier que l’entreprise aux origines bretonnes a accouché de titres comme Beyond Good & Evil, Rayman Origins ou Child of Light. Juin 2015 donc, et on voit trois peuples se foutre sur la gueule, à savoir des chevaliers, des samouraïs et des vikings velus. Propos nanardeux qui n’augure pas de grand-chose, les vidéos de gameplay laissant le doute sur les promesses que comporte le titre. Aventure solo, jeu à la Dynasty Warriors où notre personnage envoie valser 200 soldats à chaque coup, jeu de duel… ? Les questions sont nombreuses et pour tout dire, le titre s’efface bien vite de mon esprit jusqu’à l’E3 suivant, en 2016, où l’on continue de lever un sourcil sur le projet sans s’y attarder outre mesure. Les  alphas commencent, mais mon cerveau ayant oublié l’existence de For Honor – puisque c’est son nom, autre promesse aux goût de nanar – je n’ai absolument pas suivi les retours de ceux ayant pu les essayer.

Arrive donc 2017 et son début d’année chargé, avec une sortie prévue pour février. Intrigué malgré tout par le projet lorsqu’il a fallu faire le bilan des

Le jeu est sorti le 14 février, cadeau idéal de Saint-Valentin.

attentes de l’année à venir, j’ai commencé à me renseigner plus en avant sur ce qu’avait à offrir For Honor. D’autant qu’Ubisoft a su mettre le titre en avant de manière détournée, en parlant de sa philosophie des « jeux comme service » dans laquelle il s’inscrit, à la suite de The Division ou Rainbow Six : Siege. R6, justement, a aussi montré qu’en matière de multijoueur intéressant (car c’est ce vers quoi se dirige For Honor), les canadiens savaient y faire, tout en proposant un modèle économique qui n’est pas aussi cradingue que d’autres. Et puis entre temps, on a vaguement compris l’idée générale : avec votre personnage, vous pouvez attaquer dans trois directions, qui sont les mêmes que celles qui vont vous permettre de bloquer les attaques adverses, à travers différents modes de jeu. Simple à première vue, avec la peur que ce soit simpliste et sans vraiment savoir ce que ça pourrait donner concrètement en terme de sensations de jeu. Duel technique ? Bourrinage de boutons ? Quelle priorité des attaques ? Pouvoirs spéciaux ? Dur dur de se résoudre à dépenser 70 euros sans savoir à quoi s’attendre, surtout lorsqu’on sent que, le business model étant pensé sur le long terme, on peine à penser que ça vaut le plein tarif, un peu comme pour Rainbow Six d’ailleurs. Mais voilà, Ubisoft sont rusés et fourbes ! Pour d’autres de leurs jeux, ils ont proposé des week-ends gratuits, histoire de découvrir le titre et, POURQUOI PAS, de l’acheter ensuite. La culture de la bêta fermée puis ouverte leur est aussi fréquente, et For Honor n’y coupe pas. Quelques jours avant la sortie et après plusieurs ouvertures au public invité, tout le monde peut s’inscrire et poser les mains sur le jeu. De mon côté, quelques vidéos avaient commencé à me titiller, d’autant que je n’avais plus trop joué à un titre multijoueur depuis Overwatch, qui m’a assez vite lassé. Je voulais voir deux choses : les sensations manette en main ; si mon PC arrivait à le faire tourner à un framerate stable et honorable.

L’émissaire de l’ouest

Figurez-vous que je n’écris pas cette critique après avoir essayé juste le bêta. Vous vous doutez donc que j’ai franchi le pas et acheté For Honor, plein pot. Sur la question des conditions de jeu, j’étais satisfait de la quantité d’options d’optimisation proposées, qui permettent vraiment d’adapter les réglages à sa configuration (que j’ai modeste). En bidouillant et sacrifiant quelques options, j’arrivais à jouer de manière satisfaisante. Mais ce qui m’a convaincu, c’est bien la prise en main et la manière dont des promesses qui restaient floues au moment de lancer le jeu ont été réalisées. J’y reviendrais plus tard, commençons justement par une brève présentation et sur le mode solo, qui existe. Le principe de base est aussi simple que celui que j’ai décrit plus haut, avec  les trois directions qui se choisissent à l’aide du stick droit de votre manette (sauf si vous jouez au clavier/souris, ce qui paraît plus compliqué pour commencer).

Le tutoriel vous apprendra les bases du gameplay.

Ajoutez à cette base une attaque faible (RB/R1) et une puissante (RT/R2), ainsi qu’une liste de coups qui va dépendre de votre personnage. Certains sont imblocables, d’autres étourdissent, etc. En plus de ça, un brise-garde contrable, des feintes et des capacités spéciales que vous débloquez au fur et à mesure du jeu et activables à l’aide de votre croix directionnelle. La gâchette de gauche (LT/L2), elle, sert à engager le combat et fixer votre attention (et la caméra) sur un ennemi. Voilà pour taper. Face à cette violence, vous allez pouvoir bloquer, parer (blocage avec timing particulier), esquiver voire dévier pour les assassins. Car de base – enfin, après les avoir débloqué, assez aisément – vous aurez accès à douze personnages différents, quatre par factions. Pour chaque peuple, quatre profils qui déterminent vaguement le style de jeu : gardien (équilibré, facile à prendre en main), tank (bouclier, défensif), assassin (saignement, rapidité, déviation) et hybride (plus uniques). Ces quelques informations – loin d’être exhaustives – vous donnent un premier aperçu du potentiel de profondeur du jeu. Vous commencerez forcément par un tutoriel assez basique, que vous pourrez approfondir avec l’entraînement avancé. Deux options s’offrent alors à vous : se lancer dans le bain du multijoueur ; tenter le mode histoire.

Tempête dans une flaque d'eau.

Honneur d’organes

Supposons votre amour de la narration et des péripéties, vous vous jetez corps et âme dans le second. C’est peut-être que vous étiez ailleurs pendant la vidéo de lancement du jeu, ou que vous vous dites qu’après tout, ça ne peut guère être pire. Première mission, et on vous refait le coup du tuto que vous venez de subir, de manière obligatoire, après une cinématique qui n’augure rien de bon. Faisons rapidement le bilan de ce mode : en une petite dizaine d’heures, vous allez pouvoir incarner la majorité des personnages présents dans le jeu et donc vous familiariser avec, peut-être jeter votre dévolu sur celui qui sera votre main en multijoueur.

Un grand moment de la campagne solo. Vous la sentez mon ironie ?

L’idée n’est pas mauvaise, l’exécution l’est moins, avec un approfondissement des combos assez faible et une difficulté ridicule si vous n’allez pas dans le mode réaliste, qui supprime tout indicateur (et qu’on espère voir arriver dans le multi). Le solo comme moyen d’apprentissage n’empêche toutefois pas de le soigner un minimum pour le rendre intéressant. Le postulat de départ – l’affrontement entre chevaliers, samouraïs et vikings – est propice au traitement nanardeux et à l’écriture second degré, un peu comme dans un Far Cry : Blood Dragon. Si For Honor choisit avec justesse de ne jamais justifier son pitch initial, l’écriture du mode Histoire et de ses personnages se prend beaucoup trop au sérieux et opte pour le premier degré alors qu’elle devient de plus en plus risible au fil de sa progression. L’intrigue est inintéressante voire prend des tournures suprématistes inquiétantes, les dialogues sont à mourir de rire sans le faire exprès, surtout si vous avez laissé le jeu en français. Ce que je vous encourage à faire d’ailleurs, ça vous permettra au moins de pouffer devant le pathétique sérieux avec lequel des absurdités sont déclamées. En plus de cette narration, on a droit à des moments de gameplay gênants, comme cette course à cheval qu’on ne pensait plus voir depuis les années 90, ou ce moment d’escalade où il faut éviter des projectiles venus du haut de la muraille… Dernier énorme problème de ce mode, le rythme. Au vu de la violence du jeu, on veut aller d’une situation de combat à une autre, du dynamisme. Les développeurs  ont cru bon, au milieu de ces affrontements, de foutre des choses à trouver, se rappelant ce qu’ils ont fait de pire sur les Assassin’s Creed. Eléments à observer (et voix off ennuyeuse) ou vases à casser pour obtenir de l’acier (monnaie du jeu) ou bricoles esthétiques ralentissent notre progression, on veut quand même les trouver pour ne pas se farcir un niveau deux fois, mais cette exploration n’apporte aucun plaisir et casse le rythme du jeu. Incompréhensible, sauf dans l’optique de rallonger la durée de vie de ce mode anecdotique. Tout pourri donc, même s’il permet d’appréhender quelques mécaniques, on va l’oublier rapidement car comme dans un Battlefield, si vous jouez à For Honor, c’est pour sa partie multijoueur.

Deux contre un ? Est-ce bien honorable ?

Dishonored

Dans ce dernier, plusieurs modes de jeu, avec chacun leurs spécificités et leurs intérêts, leur philosophie, leur public et manière de jouer. Tous sont jouables soit joueurs contre joueurs, soit joueurs contre IA. Commençons par le duel et la rixe, respectivement du 1 contre 1 et du 2 contre 2, avec trois manches gagnantes. C’est sans doute vers ces deux systèmes que s’orientera ce qui pourrait être l’e-sport de For Honor. A peu près nus, avec pour seule différence le choix du personnage, on est ici dans des sensations rappelant les jeux de versus fighting à leur meilleur. Il va falloir du temps pour apprendre les combos et les enchaînements de son avatar, mais aussi jouer un peu les autres pour connaître leurs enchaînements. Et même pour ceux qui ont moins de coups, la manière de les placer au bon moment, de savoir saisir l’opportunité, le rythme de combat, les distances de frappe demandent un vrai travail de fond et de l’investissement. Savoir saisir son cadre donc, mais aussi en sortir, surprendre, s’adapter, saisir la bonne opportunité, tout cela sera nécessaire pour battre votre adversaire. La découverte des mécaniques de jeu, encore une fois relativement simples – la prise en main est là après quelques heures – n’est qu’un prélude à leur maîtrise. L’aspect trois dimensions apporte en plus une gestion de l’espace différente des jeux 2D, tout comme l’environnement avec lequel il est possible d’interagir (pousser dans le vide, empaler…) et qui devient un paramètre de plus à prendre en compte pour éviter les mauvaises surprises. Après des dizaines d’heures passées sur un personnage (le Raider/Hersir, sans doute pas le meilleur dans le duel), je vois encore une large progression dans sa maîtrise. Imaginez donc la profondeur si vous voulez explorer d’autres combattant(e)s au-delà de la base nécessaire à les affronter. Dans ces deux modes de jeu, le respect d’un certain code est relativement présent.

C’est là qu’il va falloir parler un peu de la manière de jouer, cette fameuse « propreté » que semble promettre un titre mettant en avant le code de l’honneur. Elle a plusieurs niveaux, chacun ayant sa propre subjectivité à ce point. En duel, il peut par exemple être considéré comme « sale » d’utiliser le vide, ou la mécanique de vengeance (qui se déclenche, en gros, si vous arrivez bien à défendre et donne un surplus d’énergie pour compenser une supériorité potentielle de l’ennemi). De même, utiliser principalement une attaque pourra vous valoir des insultes sur le chat textuel, mais en même temps, si vous ne faites que celle-ci, votre adversaire n’a qu’à apprendre à la parer/bloquer/esquiver, non ? En rixe, il pourra être mal vu, si vous achevez votre ennemi, d’aider votre camarade à éliminer le sien plutôt que de les laisser finir leur affrontement, quitte à prendre le relais s’il venait à mourir – avant ou après son exécution d’ailleurs, mécanique qui redonne de la vie à son bourreau (et empêche la victime d’être ranimée par ses alliés). La propreté disais-je, est relativement présente dans ce qui se rapproche le plus du jeu de combat, du moins en joueur contre joueur, car peut-on déshonorer une IA ? Dans les autres modes, qui ont en commun d’être tous du 4 contre 4, c’est bien plus aléatoire et parfois plus mal vécu. Spécialement dans le mode Elimination, qui reprend l’idée de la rixe, mais à 8 joueurs et avec les équipements et capacités spéciales que j’ai citées il y a déjà bien des lignes.

Oups, je t'ai "accidentellement" poussé dans le vide...

Le Jarl marque

C’est l’occasion d’un petit interlude, durant lequel vous pouvez prendre une bière ou un café, voire les deux. Durant celui-ci, je vais justement m’attarder sur cette progression par niveau et par la personnalisation de votre personnage, qui influe sur trois modes de jeu. En terminant des combats, vous gagnez plusieurs choses : de l’expérience, des ressources de guerre, de l’acier et de l’équipement. L’expérience va vous faire monter de niveau, puis de réputation, un point de réputation équivalent à 21 niveaux, et donnant une idée, sinon du niveau du joueur, du moins du temps qu’il a passé sur le jeu avec ce personnage. Les ressources, pour vous la faire très courte, sont déployées sur la « carte des factions » en fin d’affrontement, soit de manière volontaire, soit automatisée. C’est sans doute un système très mal expliqué, mais en gros, vous choisissez une faction (chevalier, viking ou samouraï, rappelez-vous) qui ne détermine pas du tout quel combattant vous incarnez, et régulièrement, les ressources déployées par les joueurs mènent à une actualisation des forces en présence sur la carte. Une espèce de jeu de conquête meta qui apporte, à la fin d’une manche (deux semaines), des récompenses aux joueurs appartenant à la faction possédant le plus de territoires.

Il a presque la même barbe que notre ami Karl, en plus.

Pas le fun absolu, on en conviendra, d’autant qu’on ne se sent que peu impliqué tant le dernier jour semble d’une importance démesurée par rapport à l’ensemble de la manche. L’acier, c’est tout simplement la monnaie du jeu, qui permet d’acheter des tenues, de débloquer des choses  plus vites que par le temps, d’améliorer certains éléments… Enfin, l’équipement a une réelle importance. Lui aussi a un niveau et peut être amélioré à l’aide d’acier et de matériaux (obtenus en démantelant les items que vous ne voulez pas utiliser), apportant un peu de crafting pas forcément très excitant. Cet équipement a un impact direct sur vos caractéristiques (force d’attaque, vie, durée du mode vengeance…), en boostant certaines tout en en diminuant d’autres de manière équivalente afin de conserver un certain équilibre.

Oups, je t'ai "accidentellement" empalé...

Tombe, Raider !

L’Escarmouche a, fin mars, enfin été séparé de l’Elimination. Dans la partie Match à Mort, elles étaient auparavant rassemblées, ce qui avait pour conséquence que lorsqu’on ne trouvait pas de partie dans un mode, le jeu nous envoyait dans l’autre. Ce qui d’une, est absurde car ils n’ont pas grand-chose à voir (à part que c’est du 4 contre 4 et qu’on déglingue des tronches). De deux, très agaçant quand vous deviez réaliser des contrats (j’y reviendrais)  et qu’on vous envoie là où vous ne vouliez pas aller. De trois, extrêmement brise-boulettes ça vous fout dans le mode que vous jugez le moins intéressant du jeu. En Escarmouche, votre équipe doit tuer les personnages de l’autre ainsi que des soldats non contrôlables très faibles (on retrouve le côté muso), ce qui vous rapporte des points. Lorsqu’une team arrive à 1000, l’autre entre en déroute et ses joueurs ne bénéficient plus du respawn autrement présent (ils sont toujours réanimables si non exécutés) et si tous meurent, fin de partie et victoire pour le camp encore en vie.

Le raider/hersir, personnage que j’ai principalement joué au cours des mes parties.

Sans réelle dynamique, on est ici souvent à plusieurs contre un sans que cela ne soit aussi gênant pour les joueurs (concrètement, ça rage moins et c’est mieux vécu), le but n’étant pas le même que dans les duels ou les rixes, le chemin est également différent. Un peu longue, l’Escarmouche est aussi trop linéaire et permet peu de rebondissements, à moins qu’un sursaut ne permette à une équipe de retourner la situation. Vraiment un mode qu’avec mes camarades de jeu, nous évitons autant que possible, ce qui rendait l’expérience d’autant plus pénible quand on nous l’imposait, merci donc de l’avoir séparé de l’Elimination.

Ce qui revenait souvent dans nos discussions, c’était qu’Escarmouche était un sous-Dominion. Dans ce dernier, on retrouve huit combattants séparés en deux équipes, des creeps qu’on bute par dizaines et la déroute d’une des formations à partir de 1000 points, à partir de laquelle elle peut être éliminée définitivement, sans bénéficier du respawn. On retrouve aussi des affrontements déséquilibrés où l’honneur n’a plus grand-chose à voir, et où l’on n’hésite pas à utiliser l’environnement à notre avantage. La grosse différence, c’est qu’il y a trois points dont vous devez vous emparer sur la carte, à distances assez équilibrées (souvent un proche de chaque camp, le dernier entre les deux), le point central étant celui où s’affrontent les soldats de base. En capturer un, c’est obtenir cent points et en retirer autant à l’équipe adverse. En conserver un et y rester, c’est augmenter son nombre de points par minutes. Aller en contester un, c’est empêcher l’ennemi de marquer ces points facilement acquis. La dynamique s’en trouve chamboulée, les parties généralement plus rapides et surtout offrent beaucoup moins de temps morts et linéarité que l’Escarmouche. Un match n’est jamais perdu, des retournements de situation sont possibles, une déroute peut s’annuler si on arrive à reprendre un point, permettant à nos alliés de revenir en jeu, sans que la partie ne s’éternise non plus, la dynamique générale faisant augmenter les points… C’est aussi, dans For Honor, le mode où le jeu d’équipe a le plus de pertinence, et où jouer avec des potes au casque-micro permettra l’élaboration d’une stratégie qui amènera la victoire même contre des adversaires individuellement meilleurs que vous. Communiquer les points vers lesquels on se dirige, les endroits où l’on est en difficulté, ceux où on pense qu’on arrivera à tenir contre plusieurs ennemis suffisamment longtemps pour que nos partenaires en profitent pour capturer d’autres points, demander une résurrection… Tout cela va bien plus vite et est bien plus fun à l’oral qu’à l’écrit avec l’utilisation du chat textuel, et rend la partie plus vivante, avec un ressenti bien plus punchy que dans les autres modes proposés par For Honor.

Deux mignons en Dominion.

Non-stop Violence

Choisir ce que vous allez faire dépendra en bonne partie de vos préférences. Mais peut-être aussi aurez-vous envie de remplir les ordre ou contrats dont j’ai parlé plus haut. Chaque jour (ordres) ou 48 heures (contrats), on vous donne ce qu’on peut appeler des quêtes, contre joueur ou contre IA, pour vous rapporter de l’acier ou de l’XP. Partant sans doute d’une volonté de pousser les joueurs vers les différentes options, on a peine à valider ceux qui nous orientent vers celles que l’on aime le moins. Compréhensible mais accessoire, donc. Si vous devriez rapidement trouver un mode de jeu qui vous satisfait plus – de la rigueur et la précision du duel à quelque chose de plus chaotique pour le Dominion – la force de For Honor et ce qui en fait un excellent titre, c’est la prise en main et tout ce qui l’entoure. J’ai parlé de profondeur et de courbe d’apprentissage en assimilant le titre d’Ubisoft à un jeu de versus fighting, on y retrouve aussi la tension et le sentiment de puissance que peut apporter la victoire ou un moment de domination. Vous allez jauger votre adversaire, lui tourner autour, essayer des choses, donner un rythme, le subir, le retourner, l’accélérer, ralentir pour reprendre votre jauge d’endurance, prendre des risques…  Au-delà de la maîtrise du gameplay, vous êtes en relation directe à l’humain qui contrôle votre adversaire, le temps semble suspendu à vos actions qui peuvent être d’éclat ou ridicules. Et quelque soit le mode de jeu, vous allez, plus ou moins souvent, vous retrouver face à ces sensations, quand en Dominion vous allez tomber au détour d’un chemin de ronde sur un adversaire avec lequel vous allez croiser le fer, quand vous tenterez de tenir le temps qu’un allié viennent vous filer un coup de main, quand en Elimination vos comparses vous entourent et vous encouragent… Ce climax, cette tension qui naît de l’affrontement, de son tempo, de sa durée, il est permis par la manière dont For Honor se prend en main. Je l’ai dit au début de ce long texte, je voulais absolument l’essayer avant de savoir si ça me plairait. Cette prise en main, elle permet de donner du sens aux sentiments abstraits que j’évoquais, investit le joueur dans son avatar et offre de l’enjeu au combat. On ressent les coups, le poids des armes, le poids des corps, les spécificités de son personnage, les différentes forces des frappes qu’on vous assène ou que vous envoyez à la figure de vos ennemis.

Les exécutions, mise en scène et théâtralisation de la mort.

More Than a Feeling

Oh, vous allez vous énerver. Mais l’erreur et la défaite (en général) ce n’est qu’à vous que vous les devez. Vous allez râler contre l’utilisation abusive d’un combo, libre à vous de l’interrompre, le bloquer, d’être meilleur pour empêcher cet abus. Cette rage, cette énervement face à l’échec, elle est en réalité dirigée contre vous-même car vous savez que vous pourriez, en étant meilleur, plus patient, plus vif, gagner ce combat, éviter ce combo. Et après l’énervement revient l’apprentissage par l’échec, par la répétition, par la persévérance et la compréhension du gameplay. Vous vous énerverez toujours, mais vous saurez alors reconnaître la mort comme un tremplin vers la progression.

Autour du gameplay et de sa transcription dans les mains du joueur, c’est aussi l’habillage qui donne l’impression au joueur de contrôler son destin. Les cartes et ses différentes ambiances sont souvent très belle, et contempler la montagne après un duel rudement remporté apporte son petit moment de gloire. Taunter l’équipe adverse avec des provocations qui deviennent des memes grotesques est un autre plaisir qui, en plus, est un des éléments qui peut apporter de la viralité à un jeu.

Pas mal de cartes à jouer. Assez réussies, d’ailleurs.

Les parties en Dominion réservent aussi leur part d’héroïsme, quand vous sauvez votre équipe de la déroute, quand vous sautez d’un pont sur un adversaire qui ne voit pas son funeste destin arriver du ciel, quand vous achevez vos ennemis à l’aide d’une catapulte enflammée… La violence omniprésente à l’écran est mise en scène avec une théâtralité qui touche son apogée lors des exécutions, esthétisation finale de l’animosité et de la fureur des combattants. J’en passe, mais ce qu’il faut retenir, c’est que For Honor créée de l’émotion pendant la partie, mais aussi des souvenirs qui la prolongent.

Ubisoft dans le rôle de la hache d'hast, For Honor dans celui de l'émissaire.

Le futur ? Can’t say…

Ce feeling, qui permet à For Honor un gameplay original et le transforme en émotions, est très difficile à rendre compte par de simples vidéos (le titre étant par ailleurs assez plaisant à suivre en simple spectateur). Le conseil, donc, si vous vous sentez intéressé, c’est d’attendre des week-ends gratuits d’essai pour vous frotter à l’exercice et vous rendre compte si oui ou non, vous aimez les sensations procurées. Et si oui ou non, il reste des joueurs en ligne. Parce que malgré tout le bien que j’ai dit de For Honor, il y a de gros soucis dans l’expérience qu’il propose aux joueurs et qui sont périphériques au cœur du système de jeu. Le principal – celui qui entraîne des doutes quant à la masse de joueurs (de niche, car le gameplay n’est pas grand public et qu’on finira avec un nombre limité d’acharnés) qui restera à long terme sur le produit d’Ubisoft – est celui des connexions. Malgré une amélioration depuis le lancement, il est impossible de ne pas noter les ratés de l’entreprise sur ce point, surtout quand le modèle du jeu multijoueur en ligne est si présent dans le panorama vidéoludique et qu’Ubi a rencontré les mêmes reproches sur Rainbow Six : Siege. Les premiers jours, impossible de faire un groupe de quatre joueurs pourtant habitués à pratiquer le multi ensemble. Le choix du peer to peer pour l’hébergement des parties entraîne des déconnexions et des temps de chargement ingame qui peuvent être rageants lorsqu’ils surviennent à un moment tendu. Le temps de trouver une partie est lui aussi agaçant, surtout lorsque l’écran indique une « forte activité » sur le mode. Le matchmaking semble également à la ramasse, même si encore une fois il paraît en amélioration suite aux patchs successifs. Incroyable et assez impardonnable qu’un titre proposé par un éditeur coutumier du multijoueur en ligne, qui investit un tel budget dans le développement, soit aussi rebutant pour un public prêt à lui offrir son cœur et qui le rejette pour des questions autres que le système lui-même. Le résultat est rapide, For Honor a déjà perdu des dizaines de milliers d’utilisateurs. L’avenir dira s’il suit plutôt le chemin d’Evolve ou de R6, qui a vu son nombre de joueurs augmenter avec le temps grâce à un bon suivi d’Ubisoft. L’éditeur semble d’ailleurs reproduire le modèle de son FPS en équipe, avec un système de saisons de deux mois (trois pour R6) au terme de laquelle un ajout de contenu (personnages, cartes) sera réalisé. Espérons qu’un mode qui donne du sens à l’idée d’attaquant et de défenseur soit prévu, sans quoi je peine vraiment à saisir l’existence de ces deux statuts… Gageons aussi qu’il y aura des week-ends gratuits pour donner la chance aux néophytes de se faire une idée avant de débourser 60 euros.

Une AFFAIRE, qu’on vous dit !

Car actuellement – et même si on peut envisager une baisse de prix relativement rapide et que certains sites le proposent déjà moins cher – vous payerez For Honor plein pot. Ce qui n’est pas idiot au vu de la qualité qu’il affiche, mais est assez inadmissible quand on peine à jouer et qu’on doit faire face à tous les éléments cités ci-dessus. Ce qui est aussi assez gerbant quand en plus du prix de base, et comme dans de nombreux jeux multi, un système de micro-paiements est intégré dans l’interface avec la lourdeur des pires free-to-play. On ne tombe pas dans le pay-to-win, la plupart des éléments se débloquant par la progression naturelle du joueur. Mais outre un season pass somme toute assez honnête réservé à ceux qui ont trop d’argent et qui est peu exclusif, il y a cet achat possible d’acier avec des slogans affolants et ridicules. Dépenser 100 euros pour 150 000 crédits avec écrit en majuscule « UNE AFFAIRE !» est quelque chose de moralement imbuvable quand on a payé un jeu au prix fort et qu’y jouer est parfois une sinécure. Rien ne vous force à participer à cette mascarade, et au fond s’ils le font c’est qu’il y a des consommateurs, mais le principe de prendre le joueur pour un pigeon a toujours quelque chose de révoltant, bien que ce soit devenu routinier.

For Honor est un bon jeu. Un très bon jeu même, qui souffre sans doute de quelques déséquilibres qui feront l’objet de mises à jour et d’ajustements réguliers. Un excellent jeu, dont tous les modes ne se valent pas, dont le solo est un échec tant dans la volonté de faire découvrir les personnages que dans son écriture. Une petite pépite, car par un gameplay exigeant et original qui ne conviendra pas à tout le monde, il dispose d’une profondeur et d’une progression le rapprochant des meilleurs jeux de versus fighting. Une perle, par les émotions que le titre arrive à transmettre à travers ses mécaniques et les sensations qu’elles donnent au joueur maintenant. Un diamant brut, mal taillé, qui risque de finir au fond d’une poubelle tant Ubisoft, malgré l’investissement et ses antécédents, a réussi à ruiner l’expérience de jeu par des éléments qui lui sont périphériques et un prix un peu élevé. Espérons qu’à l’instar de Rainbow Six : Siege, For Honor survive à cet accouchement douloureux et qu’on ne garde en souvenir que ce dans quoi il réussit : mettre des nerfs à rude épreuve, faire couler des gouttes de sueur et pousser des rugissements de gloire.

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